Étienne DELAUNE : Emblèmes moraux - 1580

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Suite de vingt gravures au burin, 70 à 73 x 98 à 100 mm. Robert-Dumesnil 205-224, IFF 216-235.

Les vingt planches sont chiffrées A B C D E F G H I K L M N O P Q R S T V ; seize sont signées en bas à droite des initiales SF pour Stephanus fecit ; la planche O porte l’inscription : STEPHANUS PATER AET. 61. FŒLICITE SCULPSIT IHOANI. FILIO INVE -. 1580. Les planches I, Q, R sont du 2d état. Comme il le mentionne lui-même sur la planche O, Étienne Delaune a gravé cette suite des Emblèmes moraux en 1580, d’après les dessins de son fils, Jean Delaune. 

Une petite rayure sur le premier cuivre, quelques très légères éraillures à peine visibles sur d’autre plaques.

Très belle impression sur papier vergé. Toutes les gravures ont des filets de marges, sauf deux (P et V) qui sont rognées sur la cuvette. Elles sont numérotées au crayon. Les vingt planches sont montées à claire-voie sur des feuillets de papier vergé (135 x 165 mm) réunis en un cahier à reliure en parchemin moderne portant l’étiquette « Pierre Berès Paris » sur le contreplat de couverture.

Rare suite complète des vingt planches en excellent état. 

Références : A. P. F. Robert-Dumesnil, Le peintre-graveur français ou Catalogue raisonné des estampes gravées par les peintres et les dessinateurs de l’Ecole française, ouvrage faisant suite au peintre-graveur de M.Bartsch, t. 9, 1865, p. 63-73 ; C. Pollet, Les gravures d’Etienne Delaune (1518-1583) Villeneuve d’Asq, Presses universitaires du Septentrion, 1995.

Les commentaires accompagnant les vingt planches sont extraits du chapitre consacré aux Emblèmes moraux d’Étienne Delaune par A. P. F. Robert-Dumesnil dans Le peintre graveur français. À la fin du chapitre, l’auteur a également recopié vingt distiques qu’il dit avoir vu accompagner les vingt gravures de Delaune sur un exemplaire des Emblèmes moraux. Nous copions le distique correspondant avant le commentaire de chaque planche.

Planche A [R-D 205] : Appren bening lecteur à mepriser le monde, Et suy la Marguerite ou la vertu abonde. « Un philosophe debout, à la droite du devant, semble prêcher le mépris du monde en quittant un palais somptueux où il se trouve, et dans le fond duquel on remarque deux couples de figures mondaines, pour diriger ses pas à l'opposite, où l'on voit l'Espérance qui semble prêcher aussi de son côté, tête voilée, la gorge découverte et dont la robe est semée de fleurs de lis, symbole de toute vertu. » 

Planche B [R-D 206] : L'eau va viste et le traïct, comme aussi fait le vent. Mais la joye mondaine fuyt plus legierement. « Ici est représenté le monde qui, par les plaisirs qu'il fait goûter, entraîne les humains dans l'abîme plus promptement qu'une flèche, que le vent, que les eaux. Cela est rendu sensible par la marche de la grande prostituée de Babylone, qu'on aperçoit au milieu du devant assise sur un monstre à sept têtes, se dirigeant à pas précipités vers un gouffre vomissant des flammes, et qu'anime un Génie infernal qui s'avance pour la recevoir de la droite du bas. Dans le haut, à gauche, se voit un vent qui souffle avec impétuosité, et une flèche lancée d'une main ferme par une chasseresse debout au bord d'une rivière, qui vient au bas tomber en cascade. »

Planche C [R-D 207] : France fragile et pleine de grand' variété, N'a rien de plus constant que sa legiereté. « Cette allégorie signifie qu'il n'y a rien de constant en ce monde que l'inconstance. On voit à gauche l'Inconstance, figurée par une femme debout sur un globe flottant au gré des eaux ; elle a la tête parée d'une couronne et elle cherche à se percer le sein. A l'opposite est un philosophe debout, qui semble lui faire des remontrances. Au fond on remarque une ville fortifiée, dominée par une montagne ornée de fabriques d'où s'élèvent des flammes, et à la porte de laquelle deux corps d'armées se trouvent en présence. »

Planche D [R-D 208] : Si le monde aime l'homme ne doit sa mort chercher, S'il est son ennemy il ne s'y doit fier. « Un philosophe assis à gauche, à l'ombre de quelques arbres, semble donner une leçon de morale à un duelliste debout à droite, qui foule aux pieds le corps d'un jeune homme étendu mort sur le devant. Cette composition semble vouloir dire que le monde fait mourir ceux qui l'aiment et ceux qui s'attachent trop à lui. »

Planche E [R-D 209] : Le vent, la fleur, et l'onde passent bien vistement, Tout ainsi fait le monde qui change à tout moment. « Assis à la droite du devant, tout près d'un palais somptueux, un philosophe semble méditer sur ce qu'il voit autour de lui. Parmi les personnages qui se trouvent sur le devant du palais on remarque un roi et son escorte. Des fleurs croissent sur le sol, des flots sont agités dans un vaste bassin et le vent souffle avec force à la gauche du haut. Le sens moral de ce morceau est que la durée des plaisirs du monde est semblable à une fleur, au vent et à des flots agités. »

Planche F [R-D 210] : Alors que des haults astres le grand cours cessera, L'inconstance du monde encores durera.Le Dieu du jour est sur son char à la droite du haut et dirige sa course vers le côté opposé ; la lumière de son flambeau n'a pas encore dissipé l'éclat des étoiles et de la lune qui brillent devant lui. Un charmant paysage forme le devant et le fond du tableau. Le sens de cette représentation paraît être que le monde est plus inconstant que le soleil et les autres astres. »

Planche G [R-D 211] : Plus tost le feu dans l'eau paisible demourra, Que Dieu auec le monde conioinct se trouvera. « Le sens moral de cette estampe paraît être qu'il est plus aisé de faire subsister ensemble l'eau et le feu que de faire son salut en se livrant au monde. On y voit, en effet, un philosophe debout à la gauche du devant, déplorant l'aveuglement de quelques hommes, ayant musique et porte-flambeaux en tête, et parcourant bruyamment, pendant la nuit, les rues d'une ville. »

Planche H [R-D 212] : Peintre qui représentes en ton tableau des fruits, Peins y les fruicts du monde fondez sur peu d'appuis. « Le sens de celle-ci est que le monde est creux en dedans, qu'il roule toujours et qu'il n'a qu'une apparence de beauté, ce que l'artiste a exprimé en faisant paraître son philosophe dans l'atelier d'un orfèvre, qui lui montre un globe enrichi de différents dessins et portant ces mots : AINSI ROVLLE TOVSOVRS CE MONDE…. gravés sur sa ligne équinoxiale. »

Planche I [R-D 213] 2ème état : La glace fond en l'eau, et le monde inconstant, S'esvanouit, se perd et coule en un instant. « Le sens moral de cette estampe est que les plaisirs du monde sont comme une fumée ou comme la glace qui se résout en eau. Elle représente notre philosophe debout à la gauche du bas, qui paraît saisi d'étonnement à la vue de plusieurs figures infernales vomies par des feux au côté opposé, où dirigent leurs pas deux époux de distinction, précédés d'un joueur de violon et suivis de deux pages. Au fond, se voit une rivière glacée en partie, sur laquelle glissent des enfants, et qui cède sous les pas de l'un d'eux. On connaît deux états de cette planche : I. Elle est avant la lettre I au haut et avec la seule lettre S à la gauche du bas. II. Elle porte au haut la lettre I et à la gauche du bas les lettres SE. »

Planche K [R-D 214] : Qui verra les antiques de la ville de Rome, Connoistra que le temps toutes choses consomme. « Celle-ci signifie que le temps triomphe du monde comme des plus superbes édifices; elle représente deux couples qui se promènent dans des monuments antiques de Rome, au nombre desquels se trouvent le fleuve Nil mutilé et le Laocoon restauré. »

Planche L [R-D 215] : Le monde est un jardin de fleur fort bonne et belle, Mais l'yver est sa mort qui tout transit et gèle. « Par cette composition, l'artiste a voulu exprimer que le monde est comme un jardin plein de fleurs, que la mort fait bientôt disparaître. On y voit un philosophe assis sur une colline à la gauche du bas ; il médite sur un parterre qu'il aperçoit au-dessous de lui, et sur la mort paraissant, armée de sa faux, à la droite du haut. »

Planche M [R-D 216] : Le monde insatiable n'est content de ses biens, Et si quant il a tout c'est alors qu'il n'a riens. « Par celle-ci, que le monde laisse toujours quelque chose à désirer à ceux qu'il comble de ses faveurs. Mais que notre artiste a-t-il représenté? Son éternel philosophe, assis à la droite du bas, paraît réfléchir sur les causes et les effets d'une bataille qui finit sous ses yeux à gauche ; vers le fond, on aperçoit une ville en flammes. »

Planche N [R-D 217] : Les biens font mal à ceux qui des biens trop abusent Et si font bien à ceux qui sagement en usent. « Le sens moral de cette estampe est que les biens du monde ne sont biens que pour ceux qui en savent user. Elle représente un roi assis sur son trône, recevant des présents qu'escortent des guerriers; sur le devant deux biens se mordent. »

Planche O [R-D 218] : Les quatre monarchies du monde insuperables Ont prins fin, qui pourra s'assurer d'estre stable ? « Le sens de celle-ci est que l'on ne peut espérer la conquête du monde, puisque les Assyriens, les Perses, les Grecs et les Romains n'y ont pu réussir ; c'est ce que l'artiste a cherché à exprimer par le globe du monde placé au centre des quatre chefs de ces peuples, dont les noms se lisent sur l'estampe. On y lit de plus au haut de la gauche : STEPHANVS | PATER AET. 61 | FOELICITE SCVLPSIT | IHOANI. FILIO | INVE. 1580. et au milieu du haut, entre les mots ASIRRIA et PERSIA : IN. ARGENTINA. » [NB : Argentina désigne en fait Strasbourg (que les Romains appelaient Argentoratum) où Delaune réside à l’époque où il grave les Emblèmes moraux.]

Planche P [R-D 219] : Autant est asseuré qui prend repos au monde, Que qui vogue en la mer sur une boule ronde. « Qui croit assurer son repos dans ce monde, flotte sur une boule au milieu des flots, est le sens moral de cette estampe, qui représente un homme assis sur une boule flottant au gré des flots à droite vers le fond ; tel paraît être le sujet des réflexions que fait le philosophe debout à la gauche du bas. » 

Planche Q [R-D 220]  2ème état : Qui sans cesse travaille, et richesses accroche, Plus en ha, plus se charge, plus sa ruine approche. « Celle-ci signifie que celui qui ne met point de bornes à sa convoitise court à sa ruine. Elle représente un riche assis sur une espèce de trône, dans une salle où des richesses de toutes sortes sont étalées, apportées ou comptées. Les démons s'apprêtent à se saisir de lui. On connaît deux états de cette planche : I. Avant la lettre Q dans le haut de la composition ; II. Avec cette lettre. » 

Planche R [R-D 221] 2ème état : Le monde armé de cire a fait guerre a vertu, Qui ha l'escu de feu, et ses traits a fondu. « Les efforts du monde ne peuvent faire périr la vertu, qui triomphe de ses projets. Tel est le sens de cette estampe, où l'on voit un archer debout, à gauche, lançant ses traits contre la vertu occupant la droite, armée d'un bouclier de feu qui la protège. On connaît deux états de cette planche : I. Avant maints travaux, avant la lettre R dans le haut de la composition et avec la seule lettre S à la gauche du bas. II. Elle est terminée dans toutes ses parties, et la lettre R se voit au haut. La lettre S du bas est suivie d'un F. »

Planche S [R-D 222] : Le monde n'a plaisir que de sa vanité Mais Dieu le fortifie en toute fermeté. « La sagesse et la force peuvent seules rendre l'homme heureux dans ce monde. C'est ce que l'artiste a cherché à démontrer en représentant ici son philosophe, vu à la gauche du bas qui adresse à Dieu une fervente prière. »

Planche T [R-D 223] : Le monde erre sur mer sans guide, et son vaisseau Se brise au dur rocher, et puis s'abîme en l'eau. « Le sens moral de cet emblème est que le monde fait faire naufrage à ceux qui s'y fient. Il représente un grand seigneur, le verre à la main, à côté d'une femme, occupant la droite, à qui le philosophe fait part de ses réflexions ; il n'oublie pas sans doute l'exemple du vaisseau qui se brise contre un rocher à la gauche du fond. »

Planche V [R-D 224] : Vertu le cœur enflamme du sage en plein midy A la nuict d'ignorance vanité nous conduit. « Enfin par cette estampe l'artiste cherche à faire connaître qu'on doit faire part de ses biens aux pauvres dans ce monde-ci pour en recueillir la récompense dans l'autre. Il y a représenté son philosophe marchant et gesticulant au milieu du devant, et au fond, de chaque côté, d'amples distributions faites aux pauvres. »