Nicolas H. JACOB : Le Génie de la lithographie - 1819

VENDU

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Lithographie, 235 x 178 mm à l’indentation de la pierre lithographique.
IFF 13.

Belle épreuve sur papier vélin. Très bon état général, cinq infimes épidermures dans le sujet, une très petite égratignure de 2 mm et une petite déchirure de 10 mm restaurée dans la marge de gauche. Marges exceptionnellement grandes. Feuille : 410 x 270 mm

Planche rare.

Aloys Senefelder invente la lithographie en 1796 à Munich. En 1819, il imprime à Paris la traduction française du traité sur L’Art de la lithographie (Vollstandiges Lehrbuch der Steindruckerei) publié l’année précédente à Munich et à Vienne. L’ouvrage s’enrichit la même année d’un recueil de vingt planches lithographiques : Collection de plusieurs essais en dessins et gravures pour servir de Supplément à l’Instruction pratique de la Lithographie par Aloys Senefelder. Il s’agit d’exemples, certains exécutés par Senefelder lui-même, de lithographies reproduisant des dessins au crayon ou à la plume, des gravures à l’eau-forte ou sur bois ou des partitions musicales.

La planche IX, connue sous le titre Le Génie de la lithographie, est due au crayon de Nicolas Henri Jacob, dessinateur et lithographe, élève de David. Elle se distingue par son sujet et sa qualité. Il s’agit proprement d’un manifeste de l’art lithographique naissant, mêlant des éléments textuels à une figuration à la fois réaliste et allégorique : un Génie tenant un porte-crayon à la main et une jeune femme vue de dos se tiennent devant une presse, penchés sur une épreuve fraîchement imprimée que soulève la jeune femme. Le Génie aux grandes ailes majestueuses et au corps d’éphèbe adresse un sourire bienveillant, presque amoureux, à la belle imprimeuse dont l’effort a dénudé le dos et l’épaule droite. La planche XV de la même Collection présente un exemple d'écriture à l'encre qui pourrait servir de légende à cette gravure : "La lithographie à peine sortie du berceau offre déjà des résultats remarquables. De plus en plus secondée par le Génie des beaux-Arts, elle produira, tout porte à le croire, des choses étonnantes, et méritera un des premiers rangs parmi les ingénieuses inventions modernes."

Le texte gravé en haut de la planche est un hommage à Aloys Senefelder, inventeur de l’art lithographique à Munich en 1796. Il évoque les principales étapes du développement de la lithographie en France : Importation en France par André d’Offenbach en 1800 - Premiers grands établissements à Paris : Engelmann en 1815, De Lasteyrie en 1816. Les mots Pierre de Bavière inscrits sur la tranche de la pierre et Munich sur le moyeu de la roue rappellent l'origine germanique de l'invention. L’intérêt des artistes pour la lithographie est illustré par les noms qu'on peut lire sur l'épreuve imprimée : Quaglio, Carle Vernet, Horace Vernet, Isabey, Wagenbauer, Piloty, Granger, Hippolyte Lecomte, Marlet, Chrétien, Bourgeois, Bosio, Dubois, Moitte, Vauzelle, Chapuis, Grenier, Redouté, Mlle Jacob, etc. On découvre au premier plan au centre un rouleau encreur et à gauche une pile de feuilles vierges et des ouvrages posés sur une table : les Principes de dessin de Granger, deux albums lithographiques des années 1818 et 1819, les Essais lithographiques de Jean-Baptiste Isabey.

Une plaque suspendue au cou du Génie porte l’inscription : INVENTE/TU VIVRAS. Ce sont les derniers mots d’un poème en trois chants sur La Peinture, écrit en 1769 par Antoine-Marin Lemierre (1733-1793) : « Artiste, suis mon vol au-dessus de la nue ;/Un feu pur dans l’éther jaillissant par éclats/ Trace en sillons de flamme, INVENTE, TU VIVRAS. » Au début du chant III, une illustration de Charles Nicolas Cochin gravée par Augustin de Saint-Aubin représente un génie ailé, une flamme sur la tête, emportant l’Artiste dans un ciel où s’inscrivent les mots : INVENTE, TU VIVRAS. Nicolas Henri Jacob a repris la formule pour l’adapter à l’invention de la lithographie.

Références : De Géricault à Delacroix : Knecht et l'invention de la lithographie, 1800-1830, Frédéric Chappey, 2005 ; French lithography, The Restoration Salons 1817-1824, McAllister Johnson, 1977, p. 59 ; E. Bocher, Les gravures françaises du XVIIIe siècle, 1879, fasc. V, Augustin de St Aubin, n° 580.

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