Abraham BOSSE : Graveurs en taille douce au Burin et à l’Eau-forte - 1643

VENDU

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Eau-forte avec quelques rehauts de burin, 261 x 324 mm (feuille). Blum 356, Préaud 203, Lothe 255.

Très belle épreuve de l’état unique, imprimée sur papier vergé filigrané (Armoiries de France : trois fleurs de lys posées deux et une sur un écu de type français couronné).

Épreuve rognée à 1 ou 2 mm à l’extérieur du trait carré. Pli souple vertical médian de séchage, deux très légers plis souples diagonaux. Infimes frottements dans l’angle inférieur droit. Petits restes de papier collés dans les angles au verso. Très bon état général.

En 1643, Abraham Bosse rédige son important Traité des manières de graver en taille-douce sur l’airain par le moyen des eaux-fortes et des vernis durs et mols. Ensemble de la façon d’en imprimer les planches et d’en construire les presses, pour lequel il a obtenu un privilège en 1642 et qu’il publiera à Paris en 1645.

Il s’agit du premier manuel technique de gravure. Il connaîtra un grand succès, sera traduit et diffusé dès les années suivantes en Allemagne, aux Pays-Bas et en Angleterre, et connaîtra plusieurs rééditions, augmentées par Sébastien Leclerc puis par Charles-Nicolas Cochin au XVIIIe siècle.

La planche des Graveurs en taille douce au Burin et à Leaue forte, comme celle qui montre comme on imprime les planches de taille douce, gravée l’année précédente, procède du même souci didactique. A l’exactitude dans la représentation des détails de l’atelier-boutique et du travail des deux graveurs, le buriniste et l’aquafortiste, répond une légende exceptionnellement longue et détaillée. Maxime Préaud observe que ce texte va au-delà de la description de l’image elle-même et annonce le Traité à venir. Nous recopions ici sa version modernisée de la légende :

Celui au burin [à droite] étend uniment un peu de cire blanche sur le côté poli de sa planche chaude, frotte le derrière de son dessin, communément, de céruse, en sorte qu’il ne blanchisse que peu, l’attache fixe sur sa planche, presse d’une pointe, assez fort, les contours de ses figures, et ils [les contours] se trouvent, ôtant le dessin, marqués de [en] blanc sur la cire, et, repassant sa pointe sur lesdits contours, les empreint dans le cuivre ; puis il en ôte la cire sur le feu ; cela fait, il grave avec le burin. Celui à l’eau-forte [à gauche] a sa planche bien polie et, un peu chaude, il y met un vernis dont celui qu’on tient le meilleur est composé de résine [et de] poix grecque cuites avec [de l’]huile de noix ; il l’applique avec le doigt, l’étend de la paume de la main, le noircit à la fumée de la chandelle puis met la planche sur un feu de charbons ardents jusqu’à ce qu’elle ne fume que peu ; lors, il jette de l’eau derrière la planche [pour la refroidir]. Après cela, son dessin étant frotté de sanguine au derrière, il en marque les contours sur le vernis comme le graveur au burin, et y trace après tout son ouvrage avec des pointes d’acier dur, appuyant fort ou légèrement selon la grosseur et profondeur qu’il veut donner à ses traits, puis, ayant frotté le derrière de sa planche avec du suif, il la met en un lieu penchant [comme un chevalet par exemple], jette l’eau-forte dessus à plusieurs reprises, à cause des douceurs et éloignements qu’il couvre de temps en temps d’huile d’olive et de suif fondus ensemble. Cela fait, il essuie la planche, en ôte le vernis avec du charbon doux mouillé d’eau commune, et retouche au burin où il est nécessaire. Cette eau-forte est composée de vinaigre, vert-de-gris, sel ammoniaque et commun, broyés et [un] peu bouillis ensemble en un pot plombé.

Pour graver ses Graveurs, Abraham Bosse choisit pour sa part la technique de l’eau-forte qu’il n’a cessé de perfectionner en cherchant à obtenir des tailles aussi nettes que celles qui sont faites au burin. Il y parvient ici à la perfection. Comme le fait remarquer Maxime Préaud, l’aquafortiste « est allé, dans son souci d’exactitude, jusqu’à placer quelques coups de burin à côté de la pointe de l’instrument » tenu par le buriniste, mais le reste de la planche est entièrement gravé à l’eau-forte.

L’eau-forte est le sujet principal du Traité des manières de graver en taille douce, dans lequel Abraham Bosse ne consacre que deux chapitres à la technique du burin. L’ouvrage comprend seize illustrations gravées sommairement. La planche des Graveurs en taille douce, par contre, s’apparente par ses dimensions et sa composition aux grandes scènes de genre qui ont fait la renommée de l’artiste de son vivant. La composition des Graveurs, comme celle des planches de la série des Cinq sens ou des Quatre Âges de l’homme, évoque une scène de théâtre, avec un premier plan, où travaillent les graveurs, et un arrière-plan, délimité par le mur de la boutique où sont présentées des estampes profanes et religieuses qu’examinent un gentilhomme et deux capucins.

Ni simple scène de genre, ni pure illustration, Graveurs en taille douce est une œuvre difficile à classer. Elle représente, par contre, avec les Imprimeurs en taille douce, le meilleur exemple de l’art d’Abraham Bosse et de son apport majeur au développement de la technique de l’eau-forte au XVIIe siècle.

Références : Maxime Préaud, Sophie Join-Lambert (dir.), Abraham Bosse, savant graveur, Paris, 2004. José Lothe, L’œuvre gravé d’Abraham Bosse, Paris, 2008.

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