Jacques VILLON : La Partie d’échecs - 1904

VENDU
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Pointe sèche, 300 x 390 mm. Ginestet et Pouillon 9, état non décrit.

Épreuve d’essai à la pointe sèche seule avec ajout de la signature et de la date et effacement de tailles dans le dos de la jeune fille ; avant l’aquatinte.

Très belle épreuve sur papier vergé avec effets d’encrage ; signée au crayon ; toutes marges (feuille : 440 x 610 mm). En très bon état ; plis de tirage verticaux au centre du sujet.

Ginestet et Pouillon recensent « 11 épreuves avec aquatinte, dont deux en couleurs et une sur Japon. » Ils signalent également qu’« une épreuve à la pointe sèche seule tirée en vert olive est décrite par Goldschmidt ; une épreuve à la pointe sèche seule, en noir, avec de nouveaux travaux, appartient au Museum of Modern Art. » Cependant l’épreuve du Museum of Modern Art n’est ni datée ni signée : elle est donc en réalité antérieure au travail à l’aquatinte. Quant aux « nouveaux travaux », ce sont des tailles à hauteur de la ceinture de la robe que Villon a au contraire effacées ensuite.

Notre épreuve à la pointe sèche seule est un état intermédiaire entre l’épreuve du MoMA et le tirage à 11 épreuves avec aquatinte : Villon a signé et daté la planche et il a rétréci la robe de la jeune fille en effaçant des tailles. Pour ce tirage, il a encré la plaque de manière à créer un fort contraste entre la lumière venant de la fenêtre, qui éclaire en partie le fond, et l’ombre dans laquelle baignent la pièce, les joueurs et l’échiquier dont seules sont éclairées les pièces et les cases qui retiennent l’attention des deux joueurs. Le contraste d’ombre et de lumière exprime l’opposition entre la concentration des joueurs et l’intensité du jeu.  Dans l’état suivant, la pièce entière baigne au contraire dans une clarté qui inonde l’échiquier, le buste et le visage du jeune garçon, tandis que deux ombres noires, informes, flottent au voisinage des deux joueurs, suggérant la tension du jeu.

La Partie d’échecs, gravée en 1904, représente le jeune Marcel Duchamp à dix-sept ans et sa sœur Suzanne, alors âgée de quinze ans. Marcel Duchamp vient de quitter Rouen en octobre pour rejoindre à Paris son frère Gaston, qui a pris le nom de Jacques Villon. Cette gravure est l’un des premiers témoignages de la passion de Marcel Duchamp pour le jeu d’échecs.

Duchamp peindra lui-même quelques années plus tard trois tableaux sur ce thème : La Partie d’échecs (1910), Les Joueurs d’échecs (1911) et Portrait de joueurs d’échecs (1912). Villon gravera lui aussi en 1920 une eau-forte cubiste sur le thème des échecs : L’Échiquier.

Le jeu d’échecs n’a pas eu seulement un rôle anecdotique dans la vie de Marcel Duchamp, qui a participé régulièrement à des championnats avant-guerre. Une scène du film de René Clair, Entr’acte (scenario de Picabia, musique d’Erik Satie) le montre, en 1924, jouant aux échecs avec Man Ray. Les photographies de Duchamp le montreront encore souvent, après la guerre, assis devant un échiquier.

Marcel Duchamp a plusieurs fois tenté d’expliquer son intérêt pour les échecs en rapprochant ce jeu de ses préoccupations esthétiques :

« … j’ai trouvé des points de ressemblance entre la peinture et les Échecs. En fait, quand vous faites une partie, c’est comme si vous esquissiez quelque chose, ou comme si vous construisiez la mécanique qui vous fera gagner ou perdre. Le côté compétition de l’affaire n’a aucune importance, mais le jeu lui-même est très, très plastique et c’est probablement ce qui m’a attiré. » (James Johnson Sweeney, « Entretien Marcel Duchamp – James Johnson Sweeney », 1955, in Duchamp du signe, Flammarion, 1975, p. 183).

La gravure de Jacques Villon,montrant le jeune Marcel Duchamp concentré sur le jeu, témoigne de la naissance de cette passion. 

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